Un périple de 2 mois à travers Madagascar.

( Petit rappel cliquez sur photo pour les voir en grand )
C’est ce qu’il nous a été donné de réaliser, nous les 3 Sœurs  Marie-Louise , Marie-Paule  et Odile, en vue de visiter les 20 communautés de sœurs établies à Madagascar.
Comme vous le savez tous, Madagascar est très grand, et s’il y a des routes très bonnes, il y en a aussi de très mauvaises qu’il faut emprunter obligatoirement avec des voitures ad hoc, et à la vitesse d’un tracteur (9km à l’heure). Heureusement les chauffeurs et aides-chauffeurs sont des personnes remarquables. Grâce à eux et à la protection divine, nous n’avons pas connu d’incidents sur route, sur mer et dans les airs. Avec bonheur nous avons pu constater que bus, bateau et avion partent à l’heure, qu’il y a le souci du confort des voyageurs, de leur sécurité, et les repas sont prévus dans de petits restaurants sûrs.
Vous pouvez suivre sur la carte le parcours de l’Ouest qu’a réalisé Marie-Louise avec Madeleine la  sœur provinciale de Madagascar : Majunga- Besalampy 2 jours de voyage ; Majunga-Tsaratanana, 1journée avec nuit + Maevatanana ; Majunga- Ambato-Boeny ; Majunga-Tana.
Le parcours de l’Est et du nord suivi par Marie-Paule et Odile : Tana – Tamatave-Soanierana-Ivongo par route 1 longue journée ; Soanierana-Mananara-Nord : par bateau 6h ; retour sur Tana, puis l’avion Tana- Antsiranana(Diego) : retour par route Antsiranana Majunga :21h; puis Majunga-Mandritsara-Marotandrano (45km de Mandritsara) 700 km
Le dernier parcours à nous 4 nous a conduit de Tananarive à Fianarantsoa à 400 km vers le Sud.
Paysage de Fianarantsoa
Les haltes de Majunga et Tananarive ont été plus longues, elles nous ont permis de récupérer et de visiter les communautés.
Partout nous avons vécu avec les sœurs, communié à ce qui fait leur mission et leur vie quotidienne. Nous avons écouté, entendu des personnes différemment situées, regardé et contemplé les paysages humanisés ou non, vu l’intérêt économique des différentes réalisations dans les régions traversées, senti les inquiétudes, voire les angoisses de beaucoup, découvert les progrès et apprécié le sourire, la gentillesse, le don d’eux-mêmes de beaucoup de Malgaches.

Sœurs et école de Fianarantsoa
 Evidemment la pauvreté est apparente, criante même, dans certains quartiers des villes, dans les villages traversés. Les gens cherchent l’argent au jour le jour ; d’où une multitude de petits marchands ; des km d’étalages de marchandises diverses encombrent les trottoirs des villes : friperies européennes, sacs à dos et soubiques multicolores se côtoient ; ustensiles, petits matériels, quincaillerie, d’origine chinoise souvent, alternent avec les fournisseurs de plats cuisinés.
7 jours sur 7 la foule se déplace, parcourt les divers stands. Sur la côte Est, les plaques solaires se multiplient et se vendent pour fournir l’électricité la nuit : éclairage, télévision, cuisson des aliments, c’est le progrès apprécié. 
Le développement
« Pour moi, il commence par le bon bout, disait un vieux missionnaire il y a 2 ans, parce que c’est un développement à la base. Les gens se prennent en main pour assurer leur progrès, et ne l’attendent plus d’en haut. » Cependant, un jeune prêtre malgache de la brousse de Maroantsetra, nous confiait qu’avec les paysans en recherche de progrès, il évitait d’employer le mot « projet » car ce mot véhicule chez eux l’image d’argent venant de l’extérieur. Il préfère conduire à la « solidarité entre eux » à «l’entr’aide ».
L’école
Ecole de Sonierana

Les écoles sont très nombreuses et fréquentées en raison d’une importante population de moins de 15 ans. Les études se poursuivent le plus longtemps possible pour ceux qui le peuvent. Il y a 18.000  étudiants  à l’université de Fianarantsoa en novembre 2017.
L’enseignement catholique a multiplié ses établissements dans le diocèse de Majunga, en même temps que la ville s’étendait. Majunga compte à présent plus de 200 000 habitants, et s’étend en longueur sur la nationale 4, route de Tana, sur plus de 10 km, et à l’autre extrémité, jusqu’à l’aéroport et la plage d’Amborovy. Il y a des établissements scolaires catholiques dans presque tous les quartiers. Les écoles catholiques se sont multipliées en brousse depuis 20 ans.
Des classes d’enseignement supérieur et professionnel ont enrichi les établissements des congrégations. Un institut d’enseignement catholique pour les professions médicales est né à Majunga de la volonté de l’évêque et va présenter sa première promotion d’infirmiers, sages-femmes, aux examens de fin d’études en 2018. Un hôpital « catholique » se construit en périphérie de Majunga.
L’économie
Les commerces aux mains des malgaches sont nombreux dans les villes ou villages, là où par le passé ils étaient tenus en majorité par les Indiens ou les Chinois. Les grandes surfaces se multiplient à Majunga, Tananarive, attirant une clientèle plus aisée et employant un personnel malgache formé.
Les moyens de communication et de transport se diversifient. Le téléphone portable est dans toutes les familles, en plusieurs exemplaires. « On en use et abuse » comme en France. Mais le téléphone rend des services indéniables. Les jeunes initient les parents et grands-parents. Ils détiennent dans leur portable les photos de la famille et sont appelés par la grand-mère pour faire voir au visiteur les enfants et petits enfants. C’est l’adresse Facebook du jeune qui est donnée pour pouvoir continuer de communiquer avec le visiteur.
Nous avons vu Telma, le premier opérateur pour la téléphonie à Madagascar, creuser avec quelques 350 ouvriers la tranchée le long de la route Mandritsara-Marotandrano (45 km) pour y enfouir les cables « fibres optiques » et apporter pour janvier 2018 la possibilité d’Internet et de Canal +.
Sur les routes nationales de l’ile, qui relient Tananarive et les principales villes de Madagascar, circulent les très nombreux camions chargés de toutes les marchandises, matières premières, énergie, produits de l’agriculture et des forêts. Parfois aussi des voyageurs dans ces camions.
Il existe aussi de nombreuses compagnies de transports pour voyageurs : bus de 9, 15,18 … 50 voyageurs. « Celui qui a réalisé quelque économie, et qui veut se mettre à son compte, cherche à acquérir un véhicule, pour voyageurs ou marchandises. C’est la première industrie du pays » nous disait un entrepreneur en bâtiments.
Se multiplient aussi dans les villes comme Majunga, Tamatave, Antsirabe « les badjazy » venus de l’Inde véhicules à moteur, sur 3 roues, sans portes, pouvant transporter 3 passagers à l’arrière du conducteur. Ils remplacent « les pousse-pousse » qui à présent transportent planches et marchandises.
Il y a aussi de plus en plus de bicyclettes, de scooters, de motos, dans les villes et spécialement dans les villages de la côte Est, où vanille, clou de girofle, café, cacao, letchis, assurent de l’argent à beaucoup de gens.

L’agriculture.
Coupe du riz
Battage du riz par les hommes

Riz vanné par les femmes
riz battu par les zébus
On va répétant que la population malgache est à 80 % rurale. Nous avons vu en novembre les premières pluies, et les paysans dans les rizières. La riziculture montrait toutes ses étapes : semis, repiquage, croissance, maturité avec le riz qui se récoltait, était séché et battu, puis vanné sur le champ. C’est ce que nous avons vu en parcourant les rizières de Marotandrano un après-midi. Il en était de même dans les plaines de Tananarive, Marovoay, Antsirabe et celles en courbes de niveau de la région de Fianarantsoa. La population malgache se nourrit de riz. Elle voit le meilleur riz s’exporter pour acheter du riz thaïlandais ou chinois moins cher, et qu’elle apprécie moins.

A la riziculture, s’ajoute un peu de pisciculture, mais ce n’est pas encore généralisé. De même, de plus en plus, après la coupe du riz, sur les hauts plateaux on procède à la culture des légumes : choux, carottes, courges…haricots, pommes de terre, patates douces.
Vanille en fleur
Vanille à sécher


A l’agriculture s’ajoute l’élevage des zébus. La ville de Tananarive réclame 756 bœufs par jour ouvrable, pour se nourrir, nous a-t-on dit. Les troupeaux arrivent des parties éloignées de l’ile vers les abattoirs de la capitale. Y arrivent-ils tous ? Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il y a un énorme trafic illicite : vol de zébus à destination des Comores, ou des pays asiatiques, ou vers ??? C’est une source d’insécurité et d’exode rural.
Girofle
Les forêts fournissent le charbon de bois, cause de déforestation et de pollution, mais aussi enrichissent les opérateurs économiques et aussi  d’autres personnes   ???  avec l’exploitation des bois précieux comme le bois de rose, le palissandre… qui sont le plus souvent  exportés. Le pays ne profite pas de ses richesses – du sol et du sous-sol.
La mer fait vivre une importante population dans les villes portuaires comme Tamatave, Diego, Majunga, Tuléar. Les villages des pêcheurs ont disparu au profit des villas des Tananariviens et autres personnes aisées des villes. Les plages de sable ont attiré les touristes. La crevetticulture apportée par las Japonais se poursuit à Majunga, à Besalampy, à l’embouchure de la Mahajamba. Elle est source d’emplois et de profits.
De plus la mer est considérée de plus en plus comme un moyen de transport moins coûteux. L’école navale de Majunga forme les cadres pour la navigation, et nous avons eu connaissance de Malgaches qui font construire des bateaux, l’un a son bateau « Privilège » qui peut transporter 200 tonnes ; et un autre construit un bateau pour voyageurs avec l’ambition d’assurer le trafic sur la côte Est, où seul travaille à présent « Mélissa ».
Les obstacles au développement
      L’insécurité.
L’insécurité est sensible dans les régions éloignées de toutes communications, et qui présentent des richesses : or, minerais rares, ou bœufs. C’est en particulier le cas de Tsaratanana, où existent depuis longtemps l’exploitation et le commerce de l’or, et où il y a aussi une zone agricole et d’élevage importante. Le banditisme est une menace quotidienne : des voyageurs et des gendarmes ont été attaqués. Les menaces existent. Les habitants ont peur. Il en est ainsi dans les zones vides d’habitants au Nord de Mandritsara, Bealanana, où opèrent des prospecteurs étrangers -Chinois- où des villages ont été incendiés. Comme si on voulait décourager les gens d’habiter ces lieux pour attribuer cet espace à d’autres.
On pourrait citer des cas semblables dans les villages ruraux entre Ambositra et Fianarantsoa. La peur causée par des attaques répétées fait fuir les gens vers les faubourgs des villes où ils deviennent misérables.
      La corruption
Elle est toujours dénoncée mais elle est partout. Elle atteint toutes les couches de la société, et menace la confiance, la paix sociale. Chacun ne voit que lui-même et son avantage. C’est l’installation d’une société de mensonge, de méfiance, de soupçon, qui ruine la solidarité, la construction d’une société harmonieuse.
      L’absence d’Etat
Depuis 2009, date où le gouvernement de transition, n’a pas été reconnu par les instances internationales et les grandes puissances, Madagascar n’a plus reçu de financement international. Par manque d’argent et/ou avec le souhait des grandes puissances occidentales, il a reçu l’aide des Pays Arabes : Qatar et Arabie Saoudite. L’argent et la religion musulmane arrivent dans le pays. Les mosquées se construisent. Chaque semaine, de 3 à 5 vols d’avion arrivent de Turquie avec des réfugiés syriens.
Le commerce est actif en direction de la Chine, et les Asiatiques, Chinois en particulier, sont nombreux, à s’installer dans le pays, et leurs marchandises sont partout.
Que veut l’Etat malgache ? Le peuple n’en sait rien. Que lui dira-t-on pendant la campagne électorale présidentielle qui commence ?
            Voici ce que nous pouvons dire, « ce que nous avons vu et entendu ». Nous revenons avec l’espoir que toute la jeunesse qui se forme et qui désire peser sur les destinées du pays trouvera le courage de s’unir du Nord au Sud et de l’Ouest à l’Est pour réussir un vrai décollage économique au service de tous.

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